Salaire ou Dividende ? Le guide fiscal pour l’entrepreneur suisse en 2025 🇨🇭

En tant qu’entrepreneur à la tête d’une PME en Suisse (sous forme de SA ou Sàrl), la question de votre rémunération est l’une des décisions financières les plus critiques. Devriez-vous vous verser un salaire élevé, ou privilégier un dividende à la fin de l’exercice ?

Cette décision, souvent prise à la légère, a des conséquences considérables sur trois postes cruciaux : l’impôt sur le revenu (privé), l’impôt sur le bénéfice (société) et les charges sociales (AVS/AI/APG).

Forte de mes 10 ans d’expérience dans l’accompagnement des PME suisses, je vous propose un guide complet pour analyser les avantages et les inconvénients de chaque option en 2025, et déterminer la stratégie optimale pour minimiser la charge fiscale globale.

1. Comprendre la double imposition et l’effet domino

Le cœur du dilemme Salaire vs Dividende réside dans le concept de la double imposition.

1.1. Le traitement fiscal du Salaire (Le flux unique)

Le salaire est considéré comme une charge d’exploitation pour votre société (SA ou Sàrl).

Pour la Société : Le salaire que vous vous versez est déductible du bénéfice imposable de l’entreprise. Cela réduit l’impôt sur le bénéfice de la société.
Pour vous (Privé) : Le salaire est imposé à 100% comme revenu privé. Il est soumis à l’impôt progressif du canton et de la Confédération.
Charges Sociales : Le salaire est soumis intégralement aux cotisations AVS/AI/APG/AC.

1.2. Le traitement fiscal du Dividende (Le double flux)

Le dividende est la distribution d’une partie du bénéfice net de l’entreprise.

Pour la Société : Le dividende est versé après que la société ait payé son impôt sur le bénéfice. Il n’est pas déductible des charges. C’est la première imposition.
Pour vous (Privé) : Le dividende est imposé comme revenu de la fortune dans votre déclaration privée. C’est la deuxième imposition. Pour atténuer cette double imposition, la Suisse applique le taux d’imposition partiel.
Charges Sociales : Le dividende n’est pas soumis aux cotisations AVS/AI/APG/AC.

C’est l’interaction de ces trois facteurs (Impôt Société, Impôt Privé, Charges Sociales) qui rend le choix complexe et qui nécessite une simulation précise.

2. L’enjeu des Charges Sociales AVS/AI/APG

Dans la plupart des cas, les charges sociales représentent le facteur le plus lourd dans l’équation.

2.1. L’impact du Salaire sur l’AVS

Le salaire est la base de calcul de toutes vos cotisations sociales (AVS, AI, APG, AC, LPP).

Cotisation Sociale	Taux Combiné (Employeur + Employé)	Plafond Annuel (Base 2024/2025)
AVS/AI/APG	$\approx 10.6\%$ (part principale)	Pas de plafond sur l’AVS/AI pour le taux complet.
AC (Assurance Chômage)	$2.2\%$	Plafond : CHF 148’200 (au-delà, taux réduit de 1%)
LPP (Prévoyance Professionnelle)	Varie selon le plan	Coordonné (salaire minimal LPP), Plafond (salaire maximal LPP)

Si vous vous versez un salaire élevé, l’entreprise paie environ la moitié des 10.6% et vous payez l’autre moitié. Globalement, l’entreprise supporte environ 18 à 25% de charges salariales au total (AVS, LPP, LAA, etc.).

2.2. L’attractivité du Dividende (Zéro Charge Sociale)

Le dividende échappe totalement à ces cotisations. C’est la raison principale pour laquelle de nombreux entrepreneurs, une fois leur prévoyance assurée (LPP), tentent de maximiser le dividende.

Le piège du salaire minimum (Le juste milieu) :

L’AVS exige que l’actionnaire majoritaire travaillant pour sa propre SA/Sàrl se verse un salaire dit « conforme au marché ». Si vous vous versez un salaire dérisoire (par exemple CHF 12’000/an) pour maximiser le dividende, l’AVS peut requalifier une partie du dividende en salaire, vous obligeant à payer rétroactivement les charges sociales manquantes, plus des intérêts.

Le salaire « conforme » doit être similaire à ce que vous paieriez à une personne externe pour le même poste et les mêmes responsabilités. C’est une obligation légale pour garantir le financement de l’AVS.

3. L’optimisation fiscale du Dividende (Le taux d’imposition partiel)

En Suisse, pour les actionnaires détenant une participation qualifiée (généralement 10% ou plus du capital-actions de la SA/Sàrl), la Confédération et la plupart des Cantons accordent une réduction d’impôt sur le revenu privé provenant des dividendes.

3.1. Les taux d’imposition partiels applicables

Le dividende est souvent imposé uniquement sur une fraction de sa valeur :

Impôt Fédéral Direct (IFD) : Le dividende est imposé sur seulement 70% de son montant (exonération de 30%).
Impôts Cantonaux et Communaux : Le taux varie. De nombreux cantons imposent le dividende sur 50% ou 60% de sa valeur (par exemple, Vaud, Genève et Zurich sont généralement à 50% ou 60%).

Exemple simple : Si vous recevez CHF 100’000 de dividende, vous ne serez imposé au niveau privé que sur CHF 50’000 (selon les cantons).

C’est cet avantage fiscal, combiné à l’absence de charges sociales, qui rend le dividende potentiellement plus intéressant pour les revenus très élevés.

4. Quand privilégier le Salaire vs le Dividende ? L’analyse critique

La décision dépend toujours de votre situation personnelle et de la santé de votre entreprise.

4.1. 🟢 Privilégier le Salaire (dans la limite du raisonnable)

C’est la meilleure option dans les cas suivants :

🅰. Sécurité et Prévoyance (LPP)

Si votre salaire ne vous permet pas encore de cotiser au plafond LPP (Prévoyance Professionnelle), privilégiez le salaire. Plus vous cotisez tôt et haut, plus votre capital retraite et votre couverture invalidité/décès seront élevés.

🅱. Améliorer la Capacité d’Emprunt Privé

Pour obtenir un prêt hypothécaire important, les banques suisses se basent principalement sur votre revenu salarial annuel stable. Les dividendes sont considérés comme des revenus plus volatils et sont généralement pris en compte à un taux réduit. Si vous avez des projets immobiliers, un salaire suffisant est impératif.

🅲. Baisse du Bénéfice Social

Si le taux d’imposition cantonal sur le bénéfice de votre société est très élevé (ce qui est rare aujourd’hui en Suisse, mais peut exister), le salaire, étant une charge déductible, permet de faire chuter le bénéfice social et donc l’impôt de la société.

4.2. 🔴 Privilégier le Dividende

C’est la meilleure option dans les cas suivants :

🅰. Revenu Privé Déjà Élevé et AVS/LPP Maximisés

Si votre salaire atteint le plafond maximal de l’AVS pour la cotisation complète (CHF 148’200) et que votre LPP est déjà au maximum pour les rachats volontaires, chaque franc supplémentaire versé en salaire est lourdement imposé (Impôt progressif + LPP supplémentaire + Charges Sociales résiduelles). À ce stade, le dividende devient nettement plus avantageux grâce à l’exonération des charges sociales et à l’imposition partielle.

🅱. Trésorerie Stable

Le dividende ne peut être versé que si l’entreprise a des réserves distribuables suffisantes (bénéfice net non affecté aux réserves légales). Si l’entreprise a une trésorerie saine et des capitaux propres élevés, c’est le moment idéal pour optimiser la distribution.

🅲. Stratégie de Distribution Ponctuelle

Le dividende permet de retirer une somme importante en une fois (par exemple, pour l’achat d’un bien privé important) sans que cela ne modifie votre base salariale LPP annuelle.

5. Cas Pratique et Chiffré (Simulation Simplifiée)

Pour illustrer l’impact de ces choix, prenons un scénario pour un entrepreneur à Genève (taux d’imposition sur le dividende de 50%).

Scénario	Rémunération	Impôt Société	Charges Sociales	Impôt Privé (Estimé)	Total Net (Global)
A: 100% Salaire	150’000 CHF	Réduit (charge déductible)	Élevées (AVS/LPP)	Très élevé (imposition pleine)	Moins optimal
B: Salaire minimum AVS (75’000 CHF) + 75’000 CHF Dividende	150’000 CHF	Modéré	Modérées (LPP optimisée)	Modéré (Dividende imposé sur 50%)	Plus optimal

Conclusion de la simulation :

L’option B (mixte) est généralement la plus performante. Elle garantit que l’entrepreneur se couvre suffisamment pour la prévoyance (LPP) tout en profitant de l’avantage fiscal du dividende, qui compense largement l’absence de déduction de l’impôt sur le bénéfice de la société.

6. La Requalification par l’AVS et la LPP : Les Garde-Fous Légaux

Ne cherchez pas à « tricher » : l’administration et les Caisses de Compensation sont vigilantes.

6.1. Le Risque AVS/AI

Si votre salaire est jugé trop bas pour votre fonction et que la société a distribué un dividende important, l’AVS peut requalifier une partie du dividende en salaire dissimulé. Conséquences : vous devrez payer les cotisations sociales (employeur et employé) sur le montant requalifié, majorées des intérêts de retard (5%).

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6.2. Le Risque LPP

Si votre salaire est trop faible pour justifier la couverture minimale de la LPP pour un employé à plein temps, l’AVS peut intervenir, mais plus souvent, c’est l’administration fiscale qui peut remettre en question le caractère commercialement justifié de l’ensemble de la rémunération.

Critères du Salaire Conforme au Marché :

L’AVS et le fisc observent :

Le taux d’occupation réel du dirigeant.
La taille et le chiffre d’affaires de l’entreprise.
Le secteur d’activité et les salaires pratiqués pour des postes similaires.
L’expérience et les qualifications du dirigeant (votre Brevet Fédéral est un argument en faveur d’un salaire plus élevé !).

7. Votre Stratégie d’Optimisation Fiscale 2025

En conclusion, la stratégie optimale pour l’entrepreneur suisse en 2025 s’articule autour de trois axes :

Le Salaire de Couverture (Le socle) : Assurez-vous de vous verser un salaire qui maximise au moins les cotisations AVS/LPP, garantissant une bonne couverture de prévoyance. Ce salaire doit être conforme au marché.
L’Impôt Progressif (Le levier) : Trouvez le point de bascule où l’augmentation de l’impôt progressif sur le revenu privé devient supérieure à l’économie réalisée par la déduction du salaire au niveau de la société.
L’Arbitrage (La distribution) : Une fois le salaire de couverture atteint, utilisez le dividende pour retirer les montants excédentaires, profitant de la charge sociale nulle et de l’imposition partielle très avantageuse.

La formule magique n’existe pas. Il est impératif de réaliser une simulation fiscale globale (Impôt fédéral, cantonal, communal + AVS/LPP) pour déterminer le niveau exact de salaire/dividende qui minimise la charge totale pour l’actionnaire majoritaire.

N’hésitez jamais à consulter un spécialiste pour valider votre stratégie de rémunération et vous assurer que vous respectez les critères AVS du salaire conforme au marché.